L'heure du grand Bilan
Voilà maintenant 1 mois que nous avons mis pieds et pattes à terre, on l’a fait notre tour du monde les amis !!!!
Nous sommes bien arrivés dans notre belle Bretagne après 5 années de voyage du pôle Nord au pôle Sud. J’ai encore du mal à réaliser que nous avons bouclé cette aventure incroyable.
Il faut avouer que ce n’était pas gagné…
Plus jeune, l’école m’ennuyait, il en aura fallu 13 au total avant de comprendre que ce n’était définitivement pas pour moi. Le bac, non je ne l'ai pas, le brevet non plus...j’étais à la pêche.
Moi, depuis toujours, je n’avais qu’un seul rêve en tête: traverser les océans à bord de mon propre bateau.
Mais pour cela, il m’en fallait un, de bateau.
Un mois après avoir arrêté les cours, j’ai pris un aller simple pour l’Australie bien que je ne connaissais pas un mot d’anglais et que je n’avais que 200 € en poche. J’ai passé mes premières nuits à dormir dans la rue avant de trouver mon premier travail. D’abord dans la récolte de fruits puis dans la pêche, une année rythmée de travail intensif sur le pont jusqu’à 20H par jour. J’ai même fini second capitaine, pas peu fier de gérer 8 pirates du haut de mes 18 ans.
A 20 ans, je rentre en France avec mon argent bien mérité pour enfin concrétiser mon rêve et acheter ce voilier tant attendu.
A présent, il me faut apprendre à le manœuvrer, mais pas d’inquiétude, j'ai fait de la planche à voile, c'est du pareil au même, non ? Et puis j’ai de solides connaissances en vent et courant, ce n’est pas comme si je n’allais pas en mer poser des casiers depuis l’âge de 7 ans.
Moi qui pensais avoir fait une super affaire en achetant Yvinec, c’est la désillusion ! La liste des problèmes s’allongent jusqu’à manquer de couler 3 semaines avant de larguer les amarres à cause de la corrosion qui ronge la coque.
On me met en garde:
« Attention Guirec tu ne peux pas partir comme ça, c'est du suicide, il faut faire tout un chantier sur ton bateau, ça va prendre du temps et de l’argent »... ça tombe bien, je n’ai aucun des deux.
Je rebouche les trous provisoirement. Il y a toujours de bonnes excuses pour ne pas partir, je décide de maintenir le départ, l’aventure peut enfin commencer.
Les escales s’enchaînent: Espagne, Portugal, Madère, Ile Selvagem, Canaries. C’est à cet endroit que j’ai eu un coup de foudre pour une jolie rousse. C’est ainsi que Monique, la plus aventurière des poulettes embarque avec moi.
Ensemble nous traversons l’Atlantique en 28 jours et 25 Œufs !!!
Nous arrivons à Saint-Barthélemy, avec 60 centimes en poche mais encore une douzaine d’œufs donc pas de stress… la vie est belle !
À ce moment-là, tous les petits boulots sont bons à prendre : jardinier, livreur de fleur, plagiste, serveur, et pour finir ...prof de planche à voile.
Mon objectif, renflouer la caisse de bord pour équiper et solidifier Yvinec. Ensemble, nous affronterons bientôt les mers du monde et les glaces des pôles.
Sur cette eau cristalline, à l’ombre des cocotiers, J’étais loin d’imaginer ce qui nous attendait !
Un an plus tard, nous sommes prêts et mettons le cap vers le Groenland en passant par les îles vierges, les Bermudes, le Canada, St Pierre et Miquelon. Le thermomètre chute à toute allure, des icebergs, des aurores boréales, nous y voilà …
À 23 ans c’est un autre de mes rêves qui se réalise : hiverner plus de 130 jours aux confins du cercle arctique, sans aucun moyen de communication, avec seulement 36 kilos de riz et des œufs ( de Monique ) pour survivre. Le premier jour est le plus beau de ma vie, je hurle ma joie, personne n’est là pour l’entendre. Je suis seul au monde dans cette nature vierge de toute empreinte de l’Homme.
Mon bonheur est de courte durée, un pêcheur vient me retrouver et m’annonce le décès de mon père, d’une crise cardiaque. Je n’y crois pas, c’est un cauchemar. Je n’ai pas le choix, il me faut transformer cette peine en force. Je ne suis plus seul désormais, mon père est avec moi.
Je suis occupé à survivre dans un décor qui prend des allures de fin du monde. La nature nous maltraite constamment. Dehors le ressenti est régulièrement de -60 degrés, il fait nuit en permanence, des icebergs viennent se fracasser contre la coque du bateau quand ce n’est pas la banquise dérivante qui exerce tellement de pression qu’il se déforme. La banquise a du mal à se former, nous sommes confinés sur le bateau, il ne faut pas s’en écarter de trop, il devient dangereux de prendre l’annexe.
Quand la banquise se forme enfin, nous pouvons poser pieds et pattes sur la banquise, c’est un bonheur, et un tournant dans l’autarcie. Je m’adonne aux activités physique… et à la pêche...
Seulement Il n’y a rien à manger, j’ai beau faire des trous dans la banquise des jours durant, j’attrape finalement un poisson qui n’a pas l’air du tout comestible, je m’en sers comme appât et finis par remonter deux oursins..
Bref, je perds 12 kilos et survis grâce à Monique qui pondra 106 œufs.
Je vous passe les dizaines d’autres avaries …
L’été qui suit, je deviens le plus jeune marin et Monique la première poule du monde à traverser le fameux passage du Nord-Ouest en solitaire sans assistance. Il relie l’Atlantique Nord au Pacifique Nord à travers les glaces de l’Arctique. Nous naviguons lentement, sous un soleil qui ne meurt jamais, car à présent c’est l’été. Nous croisons des narvals, des ours polaires. Cela donne la force de tenir des heures et des jours durant à la barre car, si près du pôle magnétique, le pilote automatique ne tient pas et la route est truffée de banquise dérivante. Il m’arrive à plusieurs reprises de m’endormir à la barre et de me réveiller lors de collision avec cette glace. Je finis même par avoir des hallucinations.
32 jours plus tard, nous arrivons en Alaska, puis au Canada (où je fais un tour en prison…), en Californie, mais l’appel du large est trop fort.
Nous traversons le Pacifique de San Francisco jusqu’en Antarctique en 80 jours de mer à travers les mythiques 40, 50 et 60èmes. Nous enchaînons les tempêtes, évoluant dans des creux que je ne connaissais que dans les livres. Les éléments se déchaînent, couchant même le bateau à plusieurs reprises. J’enchaîne les avaries à bord. Vit de Mulet, enrouleur de génois, même le moteur me lâche, je ne peux plus remonter les canaux jusqu’à Ushuaia, je me mets en fuite, cap sur l’Antarctique.
L’Antarctique nous ouvre ses portes, les albatros et les manchots nous accueillent en dansant sur les icebergs.
Me voilà Cap Hornier, mais il ne faut pas mollir... la mauvaise saison nous rattrape, donc Cap sur l’Afrique du Sud, ça ne va pas être une partie de plaisir.
Les tempêtes deviennent de plus en plus fortes, je me retrouve face à des morceaux de banquise dérivants, de la taille de plus de deux fois Paris, et des creux toujours plus forts. Le pilote automatique ne tient plus à nouveau, je ne peux plus lâcher la barre mais j’ai froid et je commence à fatiguer. Je rentre à l’intérieur pour quelques minutes, c’est à ce moment qu’Yvinec se retourne dans le plus grand des chaos, au large de la Géorgie du Sud. Miraculeusement ils se redresse, nous sommes indemnes ( ou presque ).
Nous arrivons tant bien que mal en Afrique du Sud, l’heure des réparations nécessaires à sonné après lesquelles il faut déjà repartir direction Sainte Hélène, Fernando De Noronha, la Guyane Française …. Les Caraïbes à nouveau, puis cap sur la Bretagne pour une traversée de l’Atlantique tardive qui m’a valu de me mettre à l’abri aux Açores pour le passage d’une tempête d’anthologie, sans parler de la casse à l’approche de la Bretagne.
Car soyons clairs, le cap Horn de l’Europe il est là, au large d’Ouessant. Quand les fonds remontent de 3000 à 300 mètres.
Au moment où j’écris ces lignes, je suis heureux de vous dire qu'à force de détermination, de beaucoup de travail et d'une bonne dose de culot (il faut le dire) j’ai réalisé mon plus beau rêve ! On me dit souvent que j'ai beaucoup de chance, c'est vrai je l'admets volontiers mais la chance se provoque! Il faut foncer, se donner les moyens de ses ambitions et y croire jusqu'au bout! J'espère que mon voyage poussera ceux qui ont un rêve mais manquent d'assurance ou de confiance en eux et n'osent pas quitter leur confort, à le réaliser! Foncer, aller au bout de ses rêves c'est entrevoir le paradis!
On a grandi, on a vieilli, on a un peu changé aussi. Il faut dire que sur Yvinec, on en a emmagasiné des histoires et des souvenirs au fil de ces 45 000 milles nautiques.
Merci à tous de nous avoir suivi autour du monde et d’être venus aussi nombreux nous accueillir
Vive la vie Guirec & Momo
PS : plus que quelques semaines avant la sortie du récit de l’aventure
Debriefing
It has now been 1 month since we put our feet on the ground, we did it, folks!!!!!
We arrived in our beautiful Brittany after 5 years of travelling from the North Pole to the South Pole. I still have trouble realizing that we have completed this incredible adventure.
We must admit that it wasn't easy...
When I was younger, school was boring me, it took a total of 13 schools before I realized that it definitely wasn't for me, the baccalauréat, no I don’t have it... I was gone fishing.
I felt like I was wasting my time.
I have always kept that one dream in mind: to sail around the world.
But for that, I needed a boat.
A month after I stopped school, I took a one-way ticket to Australia even though I didn't know a word of English and I didn't have a penny in my pocket. I spent my first nights sleeping on the street before I found my first job. First in fruit harvesting and then in fishing, a year of intensive work on deck 20 hours a day. I even ended up as first mate, quite proud to manage 8 pirates from the top of my 18 years old.
At 20 years old, I return to France with my well-deserved money to finally make my dream come true and buy this long-awaited sailing boat.
Now I have to learn how to manoeuvre it, but don't worry, I've been windsurfing, it's quite the same, isn't it?
I thought I made a great deal buying Yvinec, but I'm disillusioned! The list of problems is growing to the point of failing to sink 3 weeks before departure because of the corrosion eating the hull.
Everybody warns me:
"Be careful Guirec you can't leave like that, it's suicide, you have to do a whole refit on your boat, it's going to take time and money"... good for me, I don't have neither of them.
I fill in the holes temporarily. There are always good excuses for not leaving,So I decide to keep the departure, the adventure can finally begin.
The stopovers follow one another: Spain, Portugal, Madeira, Selvagem Island, Canary Islands. It was there that I fell in love with a pretty redhead. That's how Monique, the most adventurous of all chicks, gets on board with me.
Together we cross the Atlantic in 28 days and 25 Eggs!
We arrive in Saint-Barthélemy, with 60 cents in our pockets but still a dozen eggs so no stress... life is beautiful!
At that time, all small jobs are good to take: gardener, flower delivery man, beach attendant, waiter, and finally windsurfing teacher.
My objective, to refloat the dashboard to equip and solidify Yvinec. Together, we will soon face the seas of the world and the ice of the poles.
On this crystal clear water, in the shade of the coconut trees, I was far from imagining what was waiting for us!
A year later, we are ready and heading for Greenland via the Virgin islands, Bermuda, Canada, St. Pierre and Miquelon. The thermometer is dropping at full speed, icebergs, aurora borealis, here we go...
At 23 years old, another of my dreams come true: wintering for more than 130 days on the edge of the Arctic Circle, stuck in the floes without any means of communication, with only 36 kilos of rice and eggs ( from Monique) to survive. The first day is the most beautiful day of my life, I scream my joy, no one is there to hear it. I am the only one in the world in this nature that is untouched by any human imprint.
My happiness is short-lived, a fisherman (my friend Uno) comes to see me and announces the death of my father, a heart attack. I don't believe it, it's a nightmare. I have no choice, I have to turn this pain into strength to survive autarky. I'm not alone anymore, my father is with me.
I am busy surviving in a setting that looks like the end of the world. Nature constantly mistreats us. Outside the feeling is regularly -60 degrees celcius, it is permanently dark, icebergs crush against the hull of the boat when it is not the drifting ice that exerts so much pressure that it deforms.
There is nothing to eat, I lose 12 kilos and survive thanks to Monique who will lay 106 eggs.
I'll pass you the dozens of other damages...
The following summer, I became the youngest sailor and Monique the first hen in the world to cross the famous Northwest Passage alone. It connects the North Atlantic to the North Pacific through the Arctic ice. We sail slowly, under a sun that never dies, through narwhals, ice floes and polar bears.
32 days later, we arrive in Alaska, then in Canada, in California, but the call from the open sea is too strong.
We cross the Pacific from San Francisco to Antarctica in 80 days at sea through the mythical 40, 50 and 60ths latitudes. We are going through a series of storms, evolving in hollows that I only knew from books. The elements are roughing us up, even laying the boat down several times.
Antarctica opens its doors to us, albatrosses and penguins welcome us by dancing on icebergs.
Cap Horn, here we are !! but we must leave before bad seasons catch up with us, so we're heading now for South Africa. The storms are getting stronger and stronger, I find myself facing drifting pieces of ice floes, twice the size of Paris, and even stronger sea. The autopilot no longer holds, I can't let go of the helm but I'm cold and I'm getting tired.
I go back inside the boat that's when Yvinec capsizes in chaos, off South Georgia island. Miraculously Yvinec straighten up, we are unharmed ( or almost).
We arrive as best we can in South Africa, the time for the necessary repairs and we must already leave for St Helena, Fernando De Noronha, French Guyana.... The Caribbean again, then heading for Brittany for a late Atlantic crossing that got me to shelter the Azores for the passage of a storm of anthology, not to mention the breakage as Brittany approached!
As I write these lines, I am happy to tell you that through determination, hard work and a good dose of nerve. I have realized my most beautiful dream! I am often told that I am very lucky, it is true I admit it but luck is provoked! You have to go for it, give yourself the means to achieve your ambitions and believe in it until the end! I hope my trip will push those who have a dream but lack confidence and do not dare to leave their comfort behind, to realize it! To go for it, to go after your dreams is to see heaven!
We've grown up, we've aged, we've changed a little bit too. It must be said that on Yvinec, we have stored stories and memories over these 45,000 nautical miles. Monique won’t disagree about that.
Thank you all for following us around the world
Cheers to life !
Guirec & Momo