Partie de pêche avec Uno
9 novembre 2015
Mon ami Uno porte bien son nom. C'est le meilleur pêcheur du village, voire de la région !
Alors que tous les autres pêcheurs sont toujours 2 sur leurs bateaux, lui pêche en solitaire. Il a fait une entorse à cette règle et m'a fait l'honneur de m'emmener cette semaine à la pêche. J'ai pu constater qu'il est très compliqué de pêcher dans cette région et qu'il faut être super motivé !
En ce mois de novembre, Uno pêche près des côtes des sortes de turbots (des halibuts en groenlandais) à 800 mètres de profondeur : après avoir fixé une extrémité de sa ligne à la falaise, il balance à la mer des kilomètres de ligne sur laquelle sont posés 1100 hameçons !
Jeudi dernier donc, Uno est venu me chercher directement sur mon bateau, à 7 heures du matin, pour aller remonter la ligne que nous avions posée la veille.
À peine monté à bord, Uno a fait tourner son moteur de 225 CV à plein régime. Inutile de vous dire que le froid a immédiatement terminé de me réveiller ! Il faisait -20° et le ressenti devait être autour des -40° parce qu'on filait à 30 nœuds dans une mer recouverte de plaques de banquise... J'ai halluciné de voir toute cette glace alors que la veille, au même endroit, il n'y en avait pas du tout !
Bien que je savais qu'Uno est un vrai pro, j'étais quand même moyennement rassuré de zigzaguer dans les glaçons à cette vitesse !
En fonction du type de glace qu'on rencontrait Uno utilisait différentes techniques: il allait à pleine vitesse sur les plaques de banquise transparentes, les plus fines, qui volaient en éclat sur notre passage.
Par contre dès qu'on approchait de plaques plus solides, blanches, il ralentissait et mettait juste un coup d'accélération pour monter sur la plaque et la briser.
Son bateau de pêche, qui fait 6 mètres de long, a un fond en V et non pas plat, ce qui lui permet de monter facilement sur la glace. Le poids du bateau finit ensuite de casser la glace pour permettre le passage.
On devait souvent contourner les amas de glace plus importants, souvent soudés à des icebergs.
À propos des icebergs, Uno m'a raconté que les pêcheurs s'en méfient beaucoup. Tous les ans, des chutes de morceaux d'icebergs sont fatals pour certains pêcheurs malchanceux. En tombant de hauteurs parfois vertigineuses, ces morceaux plongent dans la mer et ressortent comme des fusées, parfois très loin de là où ils sont tombés et éventrent littéralement les bateaux qui se trouvent sur leur chemin !!! Des morceaux peuvent aussi se détacher de la partie immergée des icebergs, parfois à plusieurs centaines de mètres de profondeur et remonter à la surface à la vitesse de l'éclair. D'autres accidents sont liés aux icebergs qui se retournent subitement, créant des vagues gigantesques...
Bref, après avoir retrouvé sa ligne, nous avons commencé à la remonter et nous nous sommes vite aperçus qu'elle était emmêlée avec celle d'un autre pêcheur.
Au lieu de pester contre cette mauvaise surprise, il m'a expliqué qu'il allait devoir, pour la démêler, enlever sur les hameçons des deux lignes tous les poissons...
Très calmement et méthodiquement, il a trié les poissons sur les centaines d'hameçons, les siens et ceux de l'autre pêcheur (je l'ai aidé évidement, mais il était bien plus rapide que moi !).
À la fin de cet exercice fastidieux, quand les 2 lignes ont été finalement démêlées, Uno a remis tous les poissons de l'autre pêcheur sur leurs hameçons avant de remettre cette ligne à la mer.
Devant cette belle preuve de respect, je n'ai pas pu m'empêcher de penser qu'on n'a décidément pas de leçon à leur donner à ces pêcheurs qui travaillent dans des conditions souvent extrêmes
mais toujours dans le respect des autres !
J'ai malheureusement trop souvent vu, en Europe ou en Australie des pêcheurs couper purement et simplement les lignes emmêlées dans les leurs...
Au final, on a remonté 450 kilos de poissons qui finiront dans les assiettes des habitants de Nuuk et du Danemark.
Monique était restée à bord d'Yvinec ce jour là, ce qui lui a évité de se transformer en glaçon... Par contre, folle de poissons, elle a été ravie de goûter au produit de notre pêche !
Bonne semaine à tous !
Local fishing party
My friend Uno is well named. He is the best fisherman in the village, even in the region!
While all the other fishermen are always 2 on their boats, he fishes alone. He broke this rule and did me the honor of taking me fishing this week. I saw that it is very complicated to fish in this region and that you have to be super motivated!
In this month of November, Uno is fishing near the coasts some sorts of turbots (halibuts in Greenlandic) at 800 meters deep: after having fixed one end of its line to the cliff, it swings to the sea kilometers of line on which 1100 hooks are set!
So last Thursday, Uno picked me up directly on my boat, at 7 am, to lift up the line that we had put down the day before.
Barely on board, Uno ran its 225 CV engine at full throttle. Needless to say, the cold immediately woke me up! It was -20 ° and the feeling should be around -40 ° because we were spinning at 30 knots in a sea covered with ice floes ... I hallucinated to see all this ice while the day before, at the same place, there was none at all!
Although I knew Uno is a real pro, I was still moderately reassured to zigzag in the ice at this speed!
Depending on the type of ice we encountered Uno used different techniques: full speed on the transparent pack ice sheets, the thinnest, which exploded as we passed.
On the other hand as soon as we approached more solid, white plates, he slowed down and put just a stroke of acceleration to climb on the plate and break it.
His fishing boat, which is 6 meters long, has a V-shaped bottom and not flat, which allows him to easily climb on the ice. The weight of the boat then finishes breaking the ice to allow passage.
We often had to go around larger ice heaps, often welded to icebergs.
About icebergs, Uno told me that fishermen are very wary of it. Falling pieces of icebergs are fatal for some unlucky fishermen every year. Falling from heights sometimes dizzying, these pieces plunge into the sea and emerge like rockets, sometimes very far from where they fell and literally disembowel the boats that are on their way !!! Pieces can also detach from the submerged part of the icebergs, sometimes several hundred meters deep and rise to the surface at lightning speed. Other accidents are linked to icebergs which suddenly flip around, creating gigantic waves ...
In short, after finding its line, we started to go up it and we quickly realized that it was tangled with that of another fisherman.
Instead of railing against this unpleasant surprise, he explained to me that he would have to remove all the fish from the hooks on the two lines to untangle it …
Very calmly and methodically, he sorted the fish on the hundreds of hooks, his own and those of the other fisherman (I helped him obviously, but he was much faster than me!).
At the end of this tedious exercise, when the 2 lines were finally unraveled, Uno put all of the other fisherman's fish back on their hooks before returning this line to the sea.
In front of this beautiful proof of respect, I could not help thinking that we definitely have no lesson to give to these fishermen who work in often extreme conditions
but always with respect for others!
Unfortunately, I have too often seen, in Europe or Australia, fishermen purely and simply cutting the tangled lines in theirs ...
In the end, 450 kilos of fish were brought up which will end up on the plates of the inhabitants of Nuuk and Denmark.
Monique had stayed on board Yvinec that day, which saved her from turning into an ice cube ... On the other hand, crazy about fish, she was delighted to taste the product of our fishing!
Have a good week !