Le retournement
La cerise sur le gâteau… ou le gâteau sur la cerise
Avant-hier dans la soirée, il y avait beaucoup de vent accompagné d’une grosse houle, donc de déferlantes. Il est 3h00 du matin cela fait maintenant presque 7 heures que je suis à la barre, sans relâche. Je suis fatigué et trempé jusqu’aux os. Je décide de mettre le pilote automatique quelques instants pour me réchauffer à l’intérieur. Je tremble de froid, j’ai du mal à retirer ma veste, je ne sens plus mes doigts.
Le pilote fonctionne mal avec ce temps. Il fait de grands écarts de route et la trinquette empanne à coups secs faisant trembler tout le bateau. Mais je suis épuisé, à bout, je n’arrive plus à garder les yeux ouverts et j’ai la tête qui tourne. J’ai besoin de me reposer 15 minutes. Juste ça. Ce n’est pas beaucoup mais mon corps y est habitué, c’est ce qu’il me faut pour recouvrer mes forces avant de retourner dehors, sur le champ de bataille.
Depuis 20 jours, notre départ de l’Antarctique, nous subissons des conditions périlleuses. Je suis à l’avant dans ma cabine, emmitouflé dans mon sac de couchage. J’essaye d’oublier tout ça. C’est tellement bon d’être au chaud, sans avoir rien à faire, libéré du froid et des seaux d’eau glacée..
Et puis s’est arrivé. En quelques secondes.
J’ai senti Yvinec s’envoler au surf à toute vitesse, plus de 15 noeuds c’est sûr. Le pilote a décroché, le bateau est revenu direct travers de la déferlante. Puis il s’est retourné. Le sol est devenu le plafond et inversement. Mon matelas et tout un tas d’affaires se sont écrasés brutalement sur moi.
Plus rien ne bougeait. Moi j’étais en apnée, complètement déboussolé, dans quel sens étions-nous ? À l’endroit, merci ma bonne étoile. Immédiatement je pense au mât, est-il encore en place ? J’escalade le désordre ambiant pour aller sur le pont : farine, eau, riz, livres, casseroles, couverts comme dans une explosion. Je n’ai jamais vu mon bateau dans un tel état.
Au moment d’ouvrir la descente qui me permet d’accéder à l’extérieur, impossible. Le taud a reculé de plusieurs centimètres sur la trappe qui m’empêche de sortir.
J’entends la trinquette qui faseye, et regarde plein d’espoir à travers le hublot. Le mât est encore là, c’est un miracle ! Je suis tellement soulagé.
Je m’imaginais déjà confectionner un gréement de fortune pour rejoindre la côte la plus proche. Je force la trappe, le taud recule.
Dehors, c’est apocalyptique. Tout ce qui se trouvait dans le cockpit a disparu. Il ne reste que la moitié du plancher, tous les bouts traînent dans l’eau. Un panneau solaire s’est décroché et déplacé sur le portique, un autre chandelier s’est brisé, mon taud n’est plus tenu que par deux pauvres vis et un autre plexi a explosé.
À ma plus grande surprise le seul qui a tenu c’est le vit-de-mulet de la bôme qui est encore en place, incroyable.
Je remets de l’ordre à la hâte avant de m’occuper de l’intérieur car tout se balance dangereusement avec la houle. Monique va bien. J’ai retrouvé pas mal de choses dans sa cabane. Je lui donne des insectes séchés pour la réconforter, c’est son truc préféré.
Je m’assois quelques secondes, sonné. Je repense à tout ça, une fois de plus on s’en sort miraculeusement bien. Maintenant il est vraiment temps que tout ça s’arrête sinon il ne restera plus grand chose sur Yvinec.
Je constate aussi que nous n’avons plus d’internet à bord. L’antenne n’a pas dû aimer rester sous l’eau, j’espère qu’il ne faudra pas la changer. Il n’est plus possible pour l’instant d’envoyer ni photos, ni vidéos. Aujourd’hui le temps s’était enfin calmé. Je me suis occupé de ranger le bateau à la perfection et de fixer deux, trois trucs sur le pont. Surtout, le taud, que j’ai amarré avec des bouts du mieux que je pouvais. Je n’ai vraiment pas envie de le perdre.
On attend encore des dépressions ces prochains jours vendredi, samedi, dimanche et Lundi. Dans ces latitudes et en cette saison les tempêtes s’enchaînent. Mais le vent n’est pas vraiment le problème s’il n’était pas accompagné de mer aussi creuse.
Évidemment, on commence à en avoir marre avec Momo surtout de voir notre bateau se détériorer chaque semaine un peu plus. Mais on continue à avancer sur la bonne route alors nous restons positifs car il le faut et c’est une de nos plus grandes forces !
Et puis, nous avons une bonne étoile avec nous. Si nous avions été à l’extérieur quand s’est arrivé, même avec notre ligne de vie, nous ne serions plus là pour vous le raconter.
Surtout ne vous inquiétez pas pour nous svp, Yvinec flotte et nous sommes en forme
Pas de problème pas d’aventure.
A très vite,
Guirec et Monique
The Cherry on top … or reverse
The day before yesterday evening, there was a lot of wind with a huge sea and breaking waves. It is 3am and I’m steering since 7 hours now. I'm tired and soaked. I decide to put the autopilot on for a few moments to warm me up inside. I’m so cold, I can hardly get my jacket off, I can't feel my fingers.
I know the pilot doesn’t work well in this weather. He makes big deviations of course and the staysail gibes shakes the whole boat. I am exhausted, I can no longer keep my eyes open and my head is spinning. I need 15 minutes rest. Just this. It is not much but my body is used to. It’s what I need to recover my strength before returning outside.
For 20 days, our departure from Antarctica, we have suffered perilous conditions. I'm in the front in my cabin, wrapped in my sleeping bag. I'm trying to forget all this. It's so good to be warm, with nothing to do, free from the cold and the spray.
And it happened. In one second.
I felt Yvinec take off at full speed (15 or 20 knots) in a wave. The helm stalled, the boat luffed until it came across the next wave. Then it flipped around. The floor became the ceiling and the ceiling became the floor. My mattress and a whole bunch of stuff crashed brutally on me.
Nothing was moving. I was holding my breath, completely confused, in what sense were we?
Up right, thank you my lucky star.
And the mast, is it still in place? I climb the huge mess to go on deck: flour, water, books, pots, cutlery pile up in a chaotic disaster. I've never seen my boat like this before.
When I tried to open the hatch that allows me access to the outside, impossible. The roof has moved back several centimetres on the hatch that prevents me from getting out.
I hear the staysail shaking, and look through the window. The mast is still there, it's a miracle!
I was already imagining myself making a handcraft rigging to reach the nearest coast. I'm forcing the hatch, the roof ripped back.
Outside, it's apocalyptic. Everything that was in the cockpit is gone. There's only half the floor left, all the ropes are in the water. A solar panel fell off and moved on the portico, my roof is only held by two poor screws and another window broke.
To my biggest surprise the only one that held is the boom gooseneck that is still in place.
I put things in order quickly before taking care of the interior because everything is swinging dangerously with the swell.
Monique is fine. I found a lot of things in her cabin. I give her bugs as comfort, it's her favorite treat.
I sit down for a few seconds. I think about it, once again made it miraculously well.
We do not have Internet anymore on board. The antenna must not have liked to stay underwater, I hope it won't have to be changed. It is no longer possible to send photos or videos. Today the weather had finally calmed down. I put the boat away perfectly and fixed a couple of things on deck. Especially theroof, which I tied up with bits as best I could. I really don't want to lose him, it’s my only protection outside.
Bad weather is still expected in the coming days Friday, Saturday, Sunday and Monday. In these latitudes and in this season storms follow one another. But the wind isn't really the problem, it's the rough sea. It's just huge and the waves often break!
Obviously, we're getting fed up with Momo, especially seeing our boat deteriorate a little more each week. But we continue to move forward on the right road so we remain positive because it is necessary and it is one of our greatest strengths!
Besides, we have a lucky star with us. If we had been outside when it happened, even with our lifeline, we wouldn't be here to tell you about it.
Please don't worry about us, Yvinec is floating and we're feeling well.
No problem, no adventure.
Cheers, Guirec & Momo