Monique est partie
Ma petite Momo est partie
Je savais qu’elle n’était pas éternelle, mais c’est dur de me résoudre à tourner la page d’un chapitre aussi important de ma vie, 9 ans mais surtout 5 ans à bord d’Yvinec, à vivre les expériences les plus folles, les plus inoubliables.
Ma petite Momo, après tout ce qu’on a vécu, je sais même pas par où commencer.
Sans toi je serais devenu fou pendant nos 130 jours d’hivernage en autarcie au Groenland dont une bonne partie de nuit polaire. La bonne idée que j’avais eu de ne prendre que du riz pour moi !
Moi qui n’arrivais même pas à pêcher à travers la banquise, tu as continué de pondre chaque jour, en sachant que notre vie en dépendait.
Tu avais le don de me faire rire pour un oui et pour un non, quand on se bagarrait pour attraper les poissons volants. Quand tu glissais à chaque coup de gîte du bateau, quand tu essayais de nager pour me rejoindre.
Tu m’en as faites des frayeurs, j’ai bien cru te perdre plusieurs fois.
Grâce à toi c’était aussi beaucoup plus facile de sympathiser avec les gens à chaque escale. Il faut dire qu’à Saqqaq, personne n’avait jamais vu de poule vivante !
J’en ai fait des sacrifices pour toi aussi, j’ai fait de la prison au Canada pour tes beaux yeux et j’ai renoncé à Tahiti parce que personne ne voulait de toi là-bas à cause de la grippe aviaire.
Non tu n’étais pas malade ! C’était moi le plus malade des deux, mais il n’y a que toi qui le sais. Chaque fois que j’ai craqué, de rage, de joie ou de tristesse, tu me comprenais. Tu savais quand te faire petite, tu savais quand faire diversion, tu savais aussi te lâcher sur le clavier de mon ordi dès que tu t’ennuyais ! Et oui, parfois je t’aurais bien rôtie sur le poêle, mais tu sais bien que je ne l’aurais jamais fait.
Ensemble on a vu des icebergs, des ours, des narvals, des baleines à gogo et des dauphins par milliers. On a rêvé comme des enfants et on a eu peur comme jamais. Le Cap Horn, le retournement dans les cinquantièmes, le bateau en vrac, les semaines de navigation dans la tempête et le froid glacial. On aurait tout donné pour un bungalow en Polynésie.
Et puis 5 ans plus tard, on est arrivé sur mon île paradisiaque à moi, en Bretagne. Au début il fallait que tu dormes dans la maison et tu ne me quittais pas d’une semelle. Très vite, tu es devenue la star des grands espaces avec tes nouvelles copines à plumes, à retourner la terre, le sable et toutes les algues sur ton passage.
À ce moment là je me suis lancé dans la rame ! Traverser l’Atlantique dans un rafiot minuscule et hermétique, ce n’était pas possible de t'embarquer. Tu m’en as voulu je sais, mais c’était pour ton bien, tu n’aurais pas survécu 24H !
Tu la méritais ta retraite.
Ces derniers temps, tu avais pris un coup de vieux. Ce n’était pas bon signe, même si c’est la vie aussi.
Toutes les belles choses ont une fin il paraît.
Moi je ne t’oublierai jamais ma petite Momo. Merci pour tout.
My little Momo is gone,
I knew she was not everlasting, but it’s hard to turn the page. A chapter of 9 years, of which 5 years together sailing the world onboard Yvinec, living the craziest adventures of my life.
After all that we shared. I don’t even know where to begin.
Without you I would have turned crazy during our wintering in Greenland. No sun for 70 days, no contact with any human being for 130 days. What a silly idea to have brought only rice for me. I was not even able to fish. But you kept in laying eggs everyday. You knew our lives were depending on your eggs.
You made me laugh so much. Every time we fought to catch flying fish on the deck, when you were sliding port to starboard at each wave, when you were trying to swim to me. I got scared for you, I thought I’d lost you many times.
You made it much easier to meet people every time we stopped somewhere. In Saqqaq, they had never ever seen a chicken alive !
I also sacrificed myself for you. Remember the jail in Canada ? And also when we had to give up on sailing to Polynesia because they were scared of avian flu.
No you weren’t sick, I was ! But you’re the only one to know how crazy I am. Every time I lost my nerves : sad, mad or excited, you were perceiving and understanding. You knew when to hide yourself, when to make diversion, and when to let go on my laptop keyboard ! Oh yes, some times I could have roast you on the stove. . . You know I would never do that.
Together we saw icebergs, bears, narwhals, dozens of whales and thousands of dolphins. We dreamt like kids and we shivered with fear. When we capsized in the fifties, after Cape Horn, when we sailed for weeks in storm, cold and fatigue. We would have given anything for a bungalow in Tahiti.
5 years later, we arrived in Brittany and you got to live on my island. At first, you were sleeping in the house, never leaving me a sec. Then you became the queen of the island, always running outside, digging the soil, the sand and the seaweed.
That’s when I decided to go for my rowing expedition. Crossing the Atlantic in a tiny hermetical floating coffin. It was out of question to have you onboard, you would not have survived a day.
You deserved a nice and quiet retirement. Lately you became more tired. I knew it was not a good sign, even if this is also life.
Well, they say all good things has an end.
Me, I would never forget you my little Momo. Thank you for everything.