La série noire

La loi des séries

Vendredi soir j’aperçois quelque chose d’anormal sur mon radar. C’est la loi des séries ! 

Étant donné la taille du machin, j’en conclus rapidement que nous avons de nouveau à faire à un morceau de banquise désolidarisé de l’Antarctique qui dérive par 55 degrés Sud! 

Je ne suis pas serein, une tempête gigantesque arrive droit sur nous dans quelques heures.

Je dois m’écarter de ce morceau de glace au plus vite! 

Je décide de passer sous le vent pour gagner du temps. Il y a encore une once de lumière qui me permettra de veiller convenablement et d’éviter les brisures de glace dérivantes.

Ce continent de glace me parait interminable à dépasser. Il m’est impossible d’en voir la fin sur des kilomètres. 

Une fois sous le vent, je suis abrité par ce qui me semble maintenant être un mur de glace. J’allume le moteur, et tente de me faufiler du mieux que je peux à travers tous les débris de glace rejetés par ce monstre.

Le vent revient, j’envoie le maximum de toile et fais de l’Est. La course contre la montre continue, et la pression monte. La tempête arrive et je ne veux pas la vivre encerclé par cette glace en pleine nuit. Ça pourrait être fatal. 

Une fois loin, je pense être hors de danger. Le vent monte de plus en plus fort et hurle à travers les haubans. La houle ondule furieusement de plus en plus puissante. Il fait nuit noire maintenant. 

Je suis en fuite à sec de toile, quand j’aperçois de nouveau quelques chose sur le radar. Une petite tache, tout proche de nous.

Inquiet, je sors sur le pont et allume un projecteur ultra puissant. Amer, je devine la silhouette d’un iceberg, elle danse dans la houle et me nargue sournoisement. 

La tension monte encore d’un cran. J’appréhende un choc à cette vitesse et s’en est fini pour nous : Yvinec coulerait à pic. 

Je dois le ralentir à tout prix. Je décide de lofer et de dérouler un tout petit bout de trinquette, j’essaie de me mettre au plus proche du vent. 

Les vagues déferlent sur le pont et me glacent jusqu’aux os. Je pense avoir fait du mieux que je pouvais, désormais ce sera moi et ma chance. J’espère que ma bonne étoile va nous sortir de là.

Je suis aux aguets sur le radar m’imaginant les pires scénarios. 

Tout à coup, une énorme déferlante nous percute de toute sa puissance, dans un vacarme assourdissant.

Je suis projeté sur la table à cartes, autour de moi tout vole dans la cabine.

Je me suis cogné la tête et suis un peu assommé.

Je ne sais pas vraiment ce qu’il s’est passé, tout est arrivé tellement vite.

La première chose qui me vient à l’esprit c’est Monique, mais elle est là et tout va bien, même si elle me regarde bizarrement, l’air interrogateur. Je la rassure et la prends dans mes bras, la pauvre.

À bord, c’est le chaos, tout a volé... et l’écran du navtex est cassé. Dehors c’est bien pire: balcon arraché et vit-de-mulet a encore pété...

Cette nuit cauchemardesque me parait interminable. Je continue, tant bien que mal, à naviguer en me fiant aux indications du radar.

Enfin, le jour se lève et le vent tombe. 

Je fais route vers la Géorgie du Sud, pour remettre le bateau en état avant de continuer.

Mais nous sommes contactés par les autorités avant même de voir les côtes. Nous ne pourrons pas nous y arrêter sans autorisation. 

Étant donné l’état du bateau une escale était indispensable. Dans la journée de dimanche et durant une vingtaine d’heures, je me suis mis à la dérive, à l’abri du vent et de la houle, proche de la pointe Nord-Est de l’île. 

Tant bien que mal, je tente de réparer tout ce que je peux à la va-vite surtout le vit-de-mulet qu’il faut souder.

J’en profite pour allumer le chauffage et faire sécher mes affaires qui sont complètement trempées. 

Désormais, nous avons repris notre route et nous dirigeons est / nord-est vers des latitudes plus clémentes ( on l’espère ). Vivement la fin du cauchemar




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Black series

Friday night I saw something not normal on the radar. One more time, it was huge ! A piece of Antarctica drifting 55 degrees South! 

I was nervous : a huge storm was supposed to come on us in few hours.

I absolutely had to get away fastly from this piece of ice ! 

I decided to go downwind to save time. There was still some light outside. It would allow me to watch out and avoid this drifting ice.

This continent of ice seemed endless to pass. It was impossible to see the end of it !!!

Once downwind, it looked like a wall of ice but I was sheltered of the wind by it. I turned on the engine, and tried to avoid all the peace of ice rejected by this monster.

Once passed, the wind came back, I set sail to maximum to go east. I had to go fast, the storm was coming and I didn’t want to be in it ... surrounded by ice in the middle of the night. It could be fatal. 

Once I got away, I thought I was out of danger. The wind was getting stronger and stronger. The swell was waving furiously and it was dark. 

Suddenly, I saw something on the radar, very close to us.

Worried, I went outside and turned on an ultra powerful projector. Bitter, I guess the silhouette of an iceberg, dancing in the swell. 

I was very worried ! A shock and we were done.

Yvinec would break. 

I decided to slow, luff and unroll a very small piece of staysail. I tried to get as close as possible to the wind. 

The waves covered the deck and were freezing me to the bones. I did the best I could. At this time, it was me and my luck.

I was watching my radar, imagining the worst-case scenarios. 

Suddenly, a huge breaker striked us powerfully, in a deafening din.

I was projected on the table. Around me everything was flying.

I hit my head and got a little knocked out.

I didn’t know what was happening.

The first thing that came to my mind was Monique. But she was here and felt good, even though she was looking at me surprised . 

I reassured her and hold her in my arms, poor Momo.

On board, it was chaos. lots of things were broken including the navtexe screen.

Outside it was much worse: the starboard front balcony is broken, my paddle board is gone, the gooseneck broke again ,an anchor has been torn off and and a window has exploded! 

This nightmare seemed endless. I continued, as I can to navigate.

Finally, the day has risen and the wind has died down. 

I was hoping to reach South Georgia, to repair the boat before continuing.

But we were contacted by the authorities before we saw the coasts. Impossible to stop there without permission. But a stopover was essential. 

During Sunday and for twenty hours, I drifted away from the wind and the swell, near the north-eastern tip of the island. 

As best as I can, I tried to repair everything I can in a hurry, especially the gooseneck who needed to be welded.

I took this opportunity to turn on the heat and dry the boat. 

Actually, we are back on our way and heading east/northeast towards milder latitudes ( we hope).